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Chambres d’agriculture Chambres d’agricultureDu service publicau conseil personnalisé

Représenter et servir les agriculteurs. Telles sont les deux missions des chambres d’agriculture. Face à des exigences de rentabilité et des modèles qui évoluent, le réseau consulaire cherche une nouvelle voie : cellede conseils payants au service du pilotage stratégique des exploitations.Par Alexis Marcotte et Alain Cardinaux

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A quoi ressembleront les services des chambres d’agriculture demain ? C’est à cette question que trois rapports du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture, et des espaces ruraux (CGAAER), l’organe conseiller du ministère de l’Agriculture, ont tenté de répondre. Publiés le 13 décembre 2018, ces documents de réflexion portent un regard critique sur les différentes missions réalisées par ces établissements publics, dont les représentants seront renouvelés à la fin janvier. La prochaine mandature verra aussi un renouvellement dans l’offre des services proposés par le réseau consulaire.

Un service publicen mutation

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, ce ne sont pas moins de quatre lois qui projettent de modifier ou modifient le champ des missions de service public des chambres d’agriculture. La « loi pour une société de confiance », la « loi agriculture et alimentation », la « loi avenir professionnel », et la « loi Pacte » (encore en discussion) suppriment certains services du giron des chambres tout en leur en confiant des nouveaux. C’est ainsi que le Centre de formalités des entreprises (CFE) devrait fermer le 31 décembre 2020. Il serait remplacé par un « guichet unique numérique » qui aura la charge de collecter l’ensemble des informations et pièces nécessaires au dossier de formalités. Une évolution qui permettra aux chambres d’agriculture de redéployer des effectifs pour le conseil et l’accompagnement des exploitations agricoles, selon le CGAAER.

Moins de services publics, mais plus de conseils personnalisés. C’est vers cette voie que les chambres d’agriculture tendent de plus en plus. Depuis une vingtaine d’années, le réseau consulaire a développé la fourniture de services payants, appelés « prestations rémunérées », dans les domaines technique, administratif, financier, et économique. Un panel de services qui ne sont pas seulement destinés aux agriculteurs. L’offre s’est également élargie aux propriétaires forestiers et aux collectivités territoriales. Dans cette mutation que traverse actuellement le réseau, la régionalisation des chambres reste une question majeure. Alors que le ministère de l’Agriculture recommande que la chambre régionale devienne l’échelon prééminent du réseau, le chantier ne risque pas d’être aussi simple : comment répondre à la nécessité d’un service de proximité dans des régions « XXL », que sont notamment la Nouvelle-Aquitaine, l’Auvergne-Rhône-Alpes ou l’Occitanie ? La question reste ouverte.

De la technique à la gestion

Petit à petit, le réseau des chambres est passé d’un rôle traditionnel d’avis et de conseil auprès des pouvoirs publics et des agriculteurs, à une approche de plus en plus globale de conseil en développement. Selon le rapport du ministère sur le recours aux prestations rémunérées des chambres, « le conseil technique, tel qu’il était traditionnellement pratiqué, est en train de connaître de profondes et très rapides évolutions liées principalement au profil « hyper connecté » de la nouvelle génération d’agriculteurs qui dispose sur internet en temps réel de toutes les informations qui lui sont nécessaires. » Pourquoi l’exploitant irait-il s’adresser à sa chambre d’agriculture lorsqu’il peut trouver l’information dont il a besoin grâce à une simple saisie sur un moteur de recherche, à toute heure et de chez lui ? Ce professionnel est aujourd’hui demandeur d’un autre conseil, personnalisé, qui l’aidera à mener et à choisir la stratégie la plus adéquate pour son exploitation. Les chambres l’ont bien compris. C’est ainsi qu’un fort besoin en stratégie d’entreprise a fait son apparition dans les organismes consulaires. Un accompagnement qui remplacera « à court terme », selon le CGAAER, le conseil technique spécialisé par production ou thématique.

Des équipes qui restent à former

Mais changer l’offre de services et le contenu des prestations exige le développement de nouvelles compétences au sein des personnels des chambres d’agriculture. à ce jour, l’expertise, parfois très pointue, acquise par les techniciens et conseillers, ne permet pas de répondre complètement à ces nouvelles demandes du terrain, épingle le ministère. Même si « l’offre traditionnelle » de vulgarisation des nouvelles techniques en agronomie, machinisme ou bâtiments, est toujours d’actualité pour permettre aux agriculteurs de suivre le progrès technique, celle-ci est de plus en plus complétée par un appui global à la gestion. Celui-ci prend la forme d’un accompagnement juridique, fiscal, et économique.

Face à la difficulté de certaines filières, la nécessité de trouver de nouvelles sources de création de valeur conduit les chambres à proposer des prestations sous forme de « pack » de gestion de projet ou de diversification d’activités. De techniciens, les conseillers des chambres se rapprochent ainsi de plus en plus de métiers pratiqués dans des cabinets de conseil ou d’audit. De nouvelles offres qui vont jusqu’à bousculer la structuration des chambres d’agriculture. Le CGAAER a ainsi pu observer le regroupement de compétences variées de façon à ce que toutes les facettes de diagnostic-conseil par thématique soient abordées.

En Moselle, par exemple, la chambre d’agriculture départementale a créé un service « économie gestion d’entreprises » proposant des prestations en matière d’audit, de stratégie ou de pilotage de l’exploitation. Mais ces chambres et ces services ne sont pas les seuls à vouloir se tailler une part du gâteau.

Contrairement aux missions de services publics, les prestations rémunérées sont directement en concurrence avec celles des coopératives, des centres de gestion et ou de cabinets privés. Sortir gagnant de ce marché est majeur pour les chambres d’agriculture. Confrontées à la stagnation, voire à la régression des subventions publiques et au plafonnement de la collecte de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, les chambres d’agriculture doivent également faire face « au renchérissement du coût du travail et à la tendance à l’accroissement des effectifs », selon le CGAAER.

Le développement de prestations rémunérées devient aussi une question de santé financière. En 2016, les prestations rémunérées fournissaient 32 % des ressources des budgets des chambres départementales d’agriculture en métropole. Une proportion qui aspire à augmenter dans les prochaines années. Pour autant, la situation demeure très hétérogène. En Moselle, les prestations rémunérées représentaient ainsi 57 % des recettes de la chambre d’agriculture, un pourcentage qui tombe à 10 % dans les Alpes-Maritimes (310 000 euros). En Aveyron, les recettes des prestations rémunérées représentaient plus de 7 millions d’euros.

Des coûtsqui font jaser

Quel que soit le département, la politique tarifaire des prestations reste un sujet sensible Des réticences à payer ces services sont exprimées par les agriculteurs mais aussi par les collectivités territoriales. Le ministère de l’Agriculture recommande aux responsables des chambres de rester vigilant sur la fixation des tarifs. Car comme le rappelle le CGAAER, « l’objectif des chambres départementales d’agriculture n’est pas de faire du profit mais plutôt de proposer des services à leur juste prix pour permettre l’équilibre des comptes ». C’est cela le prix du service public à la carte.

 

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